mercredi 29 janvier 2020

À cœur ouvert



















Je suis à Ladygrey pour quelques jours, le plan est de se reposer, réparer mes sacoches, équiper le vélo de nouveaux pneus et reprendre la route vers Lesotho. Je campe sur le terrain de Grant (propriétaire du magasin de vélos) au beau milieu de lamas pendant trois jours. Trois journées très ensoleillées, ça me change un peu...



















 L'état de mes sangles de sacoches après 3 ans de voyage...
Ça fait environ 3 ou 4 mois que je roule avec ces sangles cassées sans avoir de problèmes. Grant a un stock assez grand pour réparer l'ensemble de mes sacoches, j'en profite.



















Je reprends la route vers Lesotho après ces quelques jours. Seulement 75 km me séparent de la frontière. Évidemment, le temps se gâte dans la matinée...Puis première crevaison sous la pluie...
Je répare puis reprends la route mais la pluie devient trop violente et la grêle vient se mêler à la fête...


Et pas de la petite grêle...
Un gérant de lavage de voiture me propose de rester chez lui le temps que la tempête se calme. Il m'invite à manger un plat de riz. Je finis ensuite par reprendre la route malgré la pluie. 40 km avant d'atteindre Lesotho. 
Je poursuis sur la route principale sans avoir la possibilité de regarder la route sur ma tablette, la pluie étant trop forte. Ne voyant pas de panneau "Lesotho" je continue jusqu'à un village et installe ma tente sous le préau d'une école abandonnée. Je regarde où je me trouve...J'ai raté la route vers la frontière...



Je vois un signe dans le fait de rater la frontière. Depuis quelques jours j'hésite à traverser Lesotho à cause du climat. Le jour de mon départ, le temps devient encore pire qu'avant, puis je rate la frontière alors je change mes plans pour contourner Lesotho par le Sud. Je me dirige vers le pays (pas de passage possible) et suis la rivière qui sépare les deux pays vers le sud direction Rhodes. Climat toujours aussi instable.


Je m'arrête dans un petit village où je trouve la seule épicerie depuis 100 km. Dans cette région montagneuse, ca correspond à deux jours de vélo. 
Raj (Indien tenant l'épicerie) m'offre une assiette de frites (Il fait également friterie!!) et m'invite à passer la nuit dans son magasin, j'accepte volontier.



Ce lendemain matin m'attend un col à un peu plus de 2 100 m, la route est correct et régulière, le temps n'est pas encore mauvais alors je profite de ce moment de répis...Trop court...



Début d'après midi, le temps se gâte à nouveau, les routes se transforment en torrents...Je dois continuer à monter ces montagnes sous la pluie, dans la boue et frappé par la grêle...Encore...
J'arrive dans le village de Rhodes, je demande s'il y a une épicerie...Rien d'autre que de l'alcool ou des biscuits...Je vais devoir maintenant me priver de nourriture...

Je m'installe au camping municipal, impossible de camper, je passe la nuit dans les toilettes du camping...Deux cols à plus de 2 500 m d'altitude m'attendent le lendemain...
Je redémarre le matin les larmes aux yeux...



- Pourquoi tu pleure?
- Parce que j'ai mal...

- Qu'est ce qu'il t'arrive?
- Je subis depuis plus de 3 semaines maintenant, un climat intenable sur des routes en mauvais état, je dors sous le pluie, roule sous la pluie mouillé de la tête aux pieds jour et nuit. Mon corps me fait mal, mon mental s'effrite jour après jour un peu plus...

- Pourquoi tu continue si t'es si mal?
- Parce que j'ai pas le droit d'échouer, ce serait un aveux de faiblesse, je m'interdis d'abandonner. Je sais que c'est dur mais ça reste la vie que j'aime malgré tout.

- En quoi ce serait un échec?
- Je me fixe des objectifs pour pas lâcher. Sans but à atteindre, le moindre coup de moins bien me ferait sans doute arrêter...Un objectif non atteint serait un échec pour moi, seulement moi!! Évidemment je voyage à vélo parce que c'est là que je me sens le plus libre, là que je me sens vivant, comment arrêter? La difficulté ici en Afrique c'est que j'affronte tout presque tout seul. Tu es la seule personne que j'ai avec moi, qui m'aide à avancer!!

- Mais qui suis-je?
- Aldo, la personne la plus forte que je connaisse.

- Et toi qui est tu ?
- Aldo...la personne la plus fragile que je connaisse.

- Je comprends pas...
- Je suis celui qui pense, qui pleure, qui rit, qui vit en somme. Tu es celui qui me donne la force et l'énergie pour continuer.

-  Ok, sèche tes larmes et garde tes émotions pour plus tard, je prends le relais...
- Merci...



J'ai arrêté cet article à la mi-chemin entre Ladygrey et Pietermaritzburg (où je suis actuellement). Je consacrerai le prochain entre la deuxième partie et mon séjour au Swaziland (je suis seulement à 400 km) si je trouve la frontière....



mercredi 15 janvier 2020

Honneur aux fermiers




















En Afrique du Sud depuis plus de deux mois maintenant, je quitte la région de George le 3 janvier en direction de Ladygrey, village se trouvant tout près de la frontière du Lesotho. Environ 800 km de route pour atteindre ma destination, j'estime donc cette traversée entre 8 et 10 jours de routes. Ce sera finalement un peu plus...


















Lorsque je quitte Christo et sa famille. Il m'explique que son ami Steven a repris son tour d'Afrique en moto exactement 5 ans auparavant depuis le même endroit. Il me montre une photo du départ  (ci-dessus) en compagnie de Noa, Bea et Emma...5 ans plus jeune. Me trouvant avec elles, je trouvais amusant de refaire plus ou moins la même photo, également le jour de mon départ.



Elles ont légèrement grandi depuis!!



































Le soir de mon départ, une gérante d'épicerie m'invite à camper dans son jardin. A ce moment, je sais mon amie Mélanie dans les environs de Knysna. Je lui envoye un message pour lui proposer de manger ensemble ou boire un café quand j'arrive en ville. Elle me répond qu'elle se trouve loin de la ville dans un B&B perdu dans une forêt. Je lui demande le nom...Pachamama Forest Retreat!! Comme mon cher vélo...
Je regarde sur mon GPS...Et lui annonce que je campe à 8km seulement d'elle. Nous passons donc une partie de la journée du lendemain ensemble.
Nos voyages étant difficiles à concorder,  nous nous sommes dit dès le départ que si l'on se trouve par hasard au même endroit, on pourrait se retrouver. On a quand même réussi à 3 reprises, sans doute plus que si nous avions programmé des retrouvailles.




















Retrouvailles numéro 4736 !!!!
On se retrouve au Canada pour une nouvelle poutine !!



































Je quitte la côte à Knysna direction Uniondale pour éviter le trafic des grosses routes en cette période de vacances. Route de terre et de pierres très montagneuse, dur mais tellement joli !!!


Difficile à percevoir sur la photo mais sur ces routes secondaires (peu, voire pas entretenues) se forment des bosses creusées par les voitures roulant extrêmement vite. Un véritable calvaire à affronter à vélo, les creux peuvent atteindre 10 cm et ce tout les 20-30 cm pendant des kilomètres. Sur les 800 km, j'ai du faire presque 600 km sur ce type de route, mon dos s'en souvient...Mais entre 2 ou 3 voitures par jour sur ces routes et une qui vous frolle toute les 5 secondes sur les routes goudronnées, mon choix est vite fait!!



















Jour 4,
Je trouve un portail non fermé, terrain appartenant à un fermier se trouvant dans les environs. Un lieu parfait pour camper. J'y installe ma tente et m'y réfugie, le temps commençant à tourner difficile de s'éterniser dehors.
Quelques dizaines de minutes plus tard, j'entends un bruit étrange autour de ma tente, comme un essaim d'abeilles. J'attends que ça passe mais le bruit est persistant. Je sors de ma tente et aperçois un drone en face de moi...Flippant...
Je le vois repartir et pars vers la même direction pour aller à la rencontre de son propriétaire. J'arrive à l'entrée de la ferme où le fermier me retrouve à moto, je démarre la conversation:

- Bonjour, c'est votre terrain qui se trouve là-bas?
- Oui, j'ai vu une tâche blanche (ma tente), je me suis demandé ce que c'était alors j'ai utilisé mon drone pour voir.
- Ça vous dérange pas si je campe là? Sinon je peux toujours trouver un autre endroit.
- Non, aucun problème. J'aurais juste aimé que vous demandiez.
- Bien sûr, je m'excuse, je savais pas à qui appartenait le terrain alors je savais pas trop où demander.
- C'est pas grave, comment tu t'appelle?
- Aldo
- Ok, Aldo passe une bonne nuit.
- Merci, vous également!!

Voilà, première rencontre de fermier depuis mon départ de George. Première d'une longue série.


















Jour 5,
Le temps se gâte, je passe une bonne partie de la journée sous la pluie avec un vent de face...Puis une ou deux heures de soleil et rebelote, pluie. La température varie énormément entre soleil et pluie. Ça, plus une mauvaise route montagneuse, les journées se trouvent être parfois difficile.
Nouvelle rencontre de fermier, je m'arrête pour demander de l'eau (Plus de 100 km me sépare de la prochaine ville), il m'invite à aller prendre l'eau dans un réservoir. En route, je lui demande:

- Il pleut souvent comme ça ici?
- Non, on a pas eu une goutte d'eau depuis 10 mois!!
-....................
- On prie tout les jours pour avoir de la pluie!!
- Vous pouvez arrêter de prier, je suis là...
- Haha, amusez vous bien!!
- Merci, je vais essayer...et prier pour avoir du soleil!!

 Swimming Pool!!!

L'après-midi même, je m'arrête pour camper au bord de la route, 0 passage dans cette zone (peut-être 1 voiture en 2 jours). Ayant perdu l'habitude de planter ma tente sous la pluie, je me précipite et fais n'importe quoi inondant ma tente de toute part!! Je passe une partie de la soirée à éponger avec tout ce qui m'entoure et installe mon matelas afin d'être surélevé au dessus de ma piscine!! Je me dis que je vais passer une nuit infernale...mais dors comme un bébé dans ma flaque d'eau!!

Lendemain matin, le soleil refait surface, je décide donc d'étendre tout mon linge et laisse sécher ma tente au soleil pour quelques heures pensant à la nuit suivante!!


 Attention, on rentre dans mon intimité...
Je m'apprête à faire mon caca numéro 2 du matin, je réalise que mon caca numéro 1 a totalement disparu!!
Un peu de culture maintenant:
J'ai fais ma recherche Google "scarabée caca boule", ça a marché lol
Les scarabées "bousiers" sont des insectes colėopterescoprophages (il me semblait bien !!), ils ont une capacité à transporter ces boules de bouse à une vitesse incroyable les emmenant jusqu'à leur terrier. Comme j'avais rien d'autre à faire, je les ai regardé opérer.


















La journée suivante se passe également sous la pluie. Cette fois-ci, je décide d'avancer le plus loin possible jusqu'à trouver le spot idéal pour supporter la pluie toute la nuit. Spot que je ne trouve jamais avant d'arriver à la ferme de Graham et Michèle. Je leur demande si je peux mettre ma tente dans leur jardin. Ils me répondent qu'il n'y a pas de problème et m'invitent à prendre le café avec eux. Nous échangeons un moment puis Michèle me propose de me laisser une chambre indépendante...Ajoutant:

-A moins que tu veuille dormir dans ta tente?
-Non, ça va aller, je prends le lit!!
-Et si tu veux tu peux rester une nuit de plus.
- Haha tu dis ça parce que tu veux que je te donne un jour de pluie en plus!!

Ils ont fini par m'inviter à dîner également, pouvant ainsi passer un agréable moment ensemble...et un bon plat de bolognaise!!! Je reprends malgré tout la route le lendemain. Mon "visa" sud-africain expirant dans moins d'un mois, je dois avancer.


















Je rends hommage à tout les fermiers rencontrés ces derniers jours, ils ont été incroyables avec moi!! On continue avec eux.

Surlendemain, journée tranquille, j'attaque deux cols à environ 1500m chacun mais peu de dénivelé étant déjà au dessus de 1000m. Lorsque je passe le second col, une voiture s'arrête, une volant Marelize. On discute un moment, elle m'avertit que cette route est dangereux à cause du retour des vacances. Puis me demande si j'ai besoin de quoi que ce soit. Je lui réponds que j'ai tout ce qu'il faut. Elle m'offre malgré tout un soda et me dit qu'elle a une ferme à un peu moins de 10km si j'ai besoin d'aider.
Étant un peu tôt, je me dis que je vais continuer encore 2-3h mais un vent de face m'attaque, je décide donc de m'arrêter à la ferme où je trouve son mari Bredell.
Il me dit que leur maison se trouve à 8km de là et m'invite à l'accompagner finir sa journée de travail avant de rejoindre sa petite famille.
Il me laisse une chambre et m'invite à partager un braai avec eux. Je repars le lendemain parfaitement reposé, Encore merci!!




















Un phacochère me passe devant le nez, malheureusement le temps de prendre mon appareil photo il se trouve trop loin, on le voit en tout petit en bas à droite.

Jour suivant,
Je roule tranquillement sur la piste (ci-dessus) puis vois le temps se gâter, je tente de trouver un endroit avant que la pluie ne me frappe...
Une voiture s'arrête, à son bord Marcus et sa femme Antoinette...


















Ils m'invitent à camper sur leur terrain où ils se rendent pour passer une semaine de vacances. Ce terrain:




















Totalement perdu!!
Je pose ma tente avant la pluie et m'abrite sous le toit le temps que ça se calme. Marcus m'offre une bière et me demande si je vais bien. À ce moment là, je sais pas quoi répondre...10 jours d'affilé que roule dans des conditions difficiles, je commence à fatiguer. Je file dormir assez tôt, me réveillant le lendemain avec un bien meilleur moral.















Le lendemain, je profite de la matinée pour faire sécher mon matériel et prenons tranquillement notre petit déjeuner. Marcus dit avoir reçu un cycliste faisant le tour d'Afrique à vélo, ajoute qu'il vient de Suisse...
Je lui demande s'il ne s'appelle pas Olivier...Olivier Rochat? Oliver en anglais? Il me répond que oui. Je lui explique que c'est un ami que j'avais reçu en France lors de la fin de son voyage. Décidément, Bart, Abdhu et Marcus...Olivier, je roule sur tes traces!!


Désolé, je reviens sur le sujet. J'utilise les toilettes (sorte de capsule sur la photo vue du ciel). Chaque personne ayant utilisé ces toilettes inscrit son nom sur le couvercle, alors je m'y colle!!



















Ce même jour, Marcus appelle ses amis Sandra et Louhan pour leur demander s'ils peuvent me recevoir pour la nuit. Ils tiennent une maison d'hôtes qui s'appelle "Horseshoe Inn" se trouvant à 45 km du terrain, dans la ville de Sterkstroom. Ils me laissent une chambre et me disent de payer un prix symbolique que je décide, encore merci!!


















Les cols sont maintenant de plus en plus hauts !!
Spécificité dans les environs, les cols sont indiqués avant l'ascension, je pourrais juste prendre des photos sans monter, mais comme ma destination est après ce col...Allons-y !!!


La chambre ci-dessus n'est pas celle de la maison d'hôtes...
Mais celle du prochain fermier qui me reçoit!!

Je quitte donc Sandra et Louhan, il me reste seulement deux jours de vélo pour arriver à destination. La ville de Jamestown est la seule qui se trouve avant Ladygrey. Ce qui m'attend...Encore de la pluie...Mais comme c'est trop facile maintenant, la grêle vient se rajouter!! Je la subit pendant 10-15 minutes qui en semblaient beaucoup plus. Ma chance? J'ai connu une grêle beaucoup plus intense en Turquie, celle-ci me frappant violement pendant plus d'une heure, alors je gère!!

Je fais une pause en ville le temps que ça se calme puis reprends la route dans la boue 10 km plus loin. Je décide de m'arrêter dans une ferme pour camper en espérant que le soleil sèche la route le lendemain...
Le fermier m'offre la chambre ci-dessus, me propose le wifi,  m'amène un repas ainsi qu'un grand pot de miel produit sur son terrain...MERCI, MERCI ET ENCORE MERCI!!!





















Finalement Ladygrey et le Graal du cyclovoyageur. Grant tient le seul magasin de vélo de voyage de toute l'Afrique du Sud!! Je vais pouvoir réparer mes sacoches, changer les pneus, me reposer et reprendre la route.

Ces 12 jours de route ont été très intenses pour moi. Parfois j'explique que ce voyage est l'équivalent de toute une vie d'expérience!! Ces derniers jours en sont l'exemple!!